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CONCLUSION
 


   Ainsi, après avoir abordé la dimension socio-culturelle de ses conditions d’apparition uniques, puis ses spécificités et enfin ses perspectives d’avenir, nous proposons de résumer les principaux aspects de la Techno de Détroit. 

   Malgré un passé ancré dans les racines profondes de la culture et de la création américaines, dans la plus grande ville de l’état du Michigan, la production des pionniers n’est plus vivace. Certains fondateurs du style se tournent désormais vers des formes plus académiques et lucratives, afin de faire fructifier leur répertoire, dans le domaine de la synchronisation cinématographique et des défilés de haute couture, des expositions d’art contemporain ou des représentations d’ensembles orchestraux. De nouveaux compositeurs s’emploient à faire perdurer le mouvement originel, en hommage à un héritage ayant capté le Zeitgeist du Détroit des années 1980. Un esprit du temps, dont Omar S1 et Moodymansont encore les garants, exemples de musiciens à la ligne directrice brute et sans concession, aux procédés de fabrications artisanaux, analogiques et autoproduits. Grâce à leur travail, le genre se recrée sans cesse, sans être résumé à ses archétypes.
 

   Pourtant, la Techno de Détroit et ses éléments reconnaissables à la première écoute (jeu de TR 909, mixage saturé...) sont devenus une marque déposée, facilitant la vente de compilations, de presets de synthétiseurs vintage ou de masterclass de composition en ligne. Malgré les efforts et les copies, l’esprit de cette musique semble s’être évanoui avec l’époque et le lieu qui l’ont vue naître. Depuis l’effervescence des débuts, nombre de pièces inspirées de la Techno de Détroit sont apparues, composées par des musiciens originaires d’autres lieux, mais légataires d’un style et d’une démarche de production, tel Byron The Aquarius3. Récemment et pour la première fois, des musiciens non issus de la communauté afro-descendante sont officiellement admis, à l’instar de DVS14 signé sur le label Axis de Jeff Mills. Jusqu’alors, la Techno de Détroit fait sociologiquement état d’un groupe d’hommes afro-descendants de plus de cinquante ans. Alors que les femmes furent partie prenante des expérimentations sonores initiales5 durant années 1930, au nombres desquelles Clara Rockmore, Delia Derbyshire et Pauline Oliveros, elles semblent exclues de la production de ce genre, hormis quelques productrices européennes, dans la lignée d’Ellen Alien6 et Miss Kittin7
 

   Enfin, né de la rencontre d’artistes militants héritiers de la Motown, du Funk et du Disco dans une ville en prise avec les machines, le mouvement a muté vers une esthétique de l’anticipation dystopique au frontières de la science-fiction, de l’affirmation ethnique et de l’émancipation de l’industrie musicale. La Techno de Détroit appartient donc à un contexte spatio-temporel précis et révolu. Ce qui parut futuriste à l’aube des années 1990 ne l’est plus en 2021. Ce code musical qui se voulait extraterrestre, libre et underground est devenu un courant musical étiqueté et archivé, un bien de consommation comme un autre. La Techno de Detroit pourra toujours et partout être reproduite sur la forme, en reprenant ses recettes musicales fondamentales, mais les compositeurs à venir sauront-ils lui insuffler ce supplément d’âme, ce message d’espoir sombre tourné vers les étoiles ?

 

 

 

1 Omar S, Set it Out, 2009 / https://youtu.be/J2J7lCbvbqs

2 Moddyman, I Can’t Kick this Feeling it hits, 1996 / https://youtu.be/ik9cExHOazw

3 Byron the Aquarius, What about this Feeling, 2017 / https://youtu.be/kDJ0Kce3BLg

4 DVS1, Invite’s Choice Podcast, 2019 / https://youtu.be/gaj3gRh5jIg

5 In Musique Connectée, Sisters with transistors, France Culture 2021

6 In WodjMag, 2017 / https://wodjmag.com/ellen-allien-figure-emblematique-de-la-scene-electro-berlinoise/

7 In Miss Kittin : Authentiquement Électro / https://wodjmag.com/miss-kittin-dj-electro-authentique/

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