CONCLUSION
Ainsi, le bénéfice de cette présentation ne réside pas dans la promotion a priori d’une démocratisation béate de l'informatique au sein des démarches pédagogiques dans le domaine de l’apprentissage artistique, auprès de générations d’élèves déjà en contact permanent avec les écrans et interfaces, et ce dès le plus jeune âge. Cet écrit constitue davantage un compte-rendu d’observations empiriques durant dix-huit années de pratiques, sur un public âgé de quatre à vingt ans.
Dans les programmes officiels de l’Education Nationale, nous observons une évolution décroissante de l’obligation quotidienne de pratique en maternelle, jusqu’à sa disparition au lycée.
Selon le niveau d’enseignement, divers freins se présenteront à l’enseignant. Comme abordé dans la première partie, chez les élèves des écoles maternelles et élémentaires, une des limites est la motricité et l’autonomie nécessaires à la compréhension des process. Au collège, il est nécessaire de proposer un dispositif adapté à la conception de la musique et aux priorités des élèves. Au lycée, les pratiques deviennent plus individuelles, eût égard à la disparition de l’obligation d’enseignement musical en particulier et artistique en général. Dans un contexte de manque de moyens matériels et de formations des enseignants, l’Informatique Musicale peut constituer un fil rouge qui relie tous ces cycles et guide la formation des élèves de leur entrée à leur sortie de système éducatif.
Prenant en compte la récente évolution technologique exponentielle et sans précédent, nous sommes amenés à nous interroger sur le Conservatoire du XXIème siècle. Sera-t-il le passeur de tradition historique qu’il a toujours été ? Proposera-t-il un abord novateur des pratiques contemporaines ? Au delà de la transdisciplinarité, réalisera-t-il un compromis entre ces deux tendances ?
Les évolutions artistiques jaillissent d’elles-mêmes, s’auto-engendrent par un mouvement spontané d’émulation et de création. Au sein de certains centres, des ateliers et expériences de pratique d’instruments augmentés se mettent progressivement en place. Par exemple : un élève violoniste et un élève de classe d’Informatique Musicale se réunissent pour faire passer le signal acoustique de l’instrument dans un micro, puis dans un processeur d’effets ou un logiciel, afin d’en modifier le son en direct.
En formation musicale, des décennies ont été nécessaires pour passer du tableau noir à la chaîne hifi en classe, comme outil
pédagogique. En sera-t-il de même pour passer de la chaîne à l’informatique ? A l’instar de l‘Education Nationale, la formation des professeurs et le matériel à disposition dans les salles pourraient-ils être repensés ?
Les avantages seraient multiples et concrets. Par exemple, pour les élèves pianistes. Grâce à un clavier MIDI et à un logiciel éditeur, le « jouage » et les nuances peuvent être travaillés seuls et avec précision. L’utilisation de l’Aftertouch, de la vélocité, la transposition et la quantification (+ ou -) sont des atouts dans un apprentissage. De même, aborder le clavier par l’aspect visuel du Piano Roll permet une nouvelle conception de la notation à l’instrumentiste, par rapport aux partitions travaillées tout au long de sa formation.
L’Informatique Musicale permet avant tout un enrichissement des options pédagogiques, afin de les adapter.
Ainsi, dès les premières années de leur cursus au sein des conservatoires régionaux, l’outil informatique peut constituer une aide à l'écriture. Elle peut également être un moyen de restaurer des enregistrements anciens et détériorés, comme cela se fait pour les fresques picturales grâce à l’utilisation de rayon X, dans un objectif de sauvegarde du patrimoine. Enfin, un élève instrumentiste peut bénéficier des rudiments de l’édition musicale, afin de réaliser par lui-même un arrangement pour s’accompagner. Voire, à terme, enregistrer et produire un album seul avec un ordinateur, dans son home studio, comme ce fut le cas dès la fin des années 1990, avec les précurseurs de la French Touch (1).
Dans une démarche transdisciplinaire au sein du C.R.R. de La Réunion, les élèves apprennent à réaliser des enregistrements pour les professeurs, à concevoir des cartes de visite sonores pour les élèves qui souhaitent entrer dans des écoles de musique, à préparer des pièces musicales pour les cours de danse...
Cependant, même si les nombreux apports de l’Informatique Musicale aux autres disciplines sont évidents, il est à noter que ces activités annexes ne sont pas le coeur de la discipline. L’Informatique Musicale constitue un des seuls lieux de création au sein du Conservatoire. Elle n’est pas destinée à former des interprètes instrumentistes, mais encourage la recherche, l'expérimentation et la composition. En cursus ou en projet, l’aspect créatif est mis en avant, comme dans les classes d’arrangement Jazz. Cette créativité est encouragée, tant dans la composition que dans la technique (mixage, constitution de banques de sons, pratique de la synthèse et de l’échantillonnage).
Ainsi, après l’examen de ces données et expériences, nous pouvons nous interroger sur le possible développement de l’Informatique Musicale dans d’autres sites et sur les moyens d’y parvenir, afin que l’Informatique Musicale soit partie prenante dans le Conservatoire du XXIème siècle.